Un
jour, la reine des Roses décida d’organiser un grand bal. Elle convoqua toutes
les roses du royaume, leur demandant d’élire un comité qui aurait la charge de
réaliser ce projet ambitieux.
Ensuite
la reine dépêcha des émissaires dans des royaumes d’Orient, privilégiant Damas
et Ispahan dont la réputation était symbolique tant la splendeur de leurs
spécimens royaux n’était plus une légende.
Des
colombes furent les émissaires de la reine qui ne manqua pas d’inviter bon
nombre d’oiseaux, colibris, pinsons, mésanges, tourterelles et les abeilles
ouvrières pour qu’elles fassent leur miel en ce jour de bal.
Des
orchestres improvisés se présentèrent et la reine en retint trois, ragtime,
valses viennoises et tangos.
Le
comité d’organisation fit remonter une question, à savoir le manque d’éléments
masculins ce qui contraignit la reine à lancer des invitations aux lys, aux
pavots, aux bleuets et aux tulipes royales.
Enfin
le grand jour arriva. Une table fut érigée dans une clairière.
Les
fées du royaume avaient préparé un banquet somptueux où gâteaux de graines
délicates, mousses aux fruits des bois et couronnes de sésame aux amandes et
noisettes concassées attendaient les invités.
Les
orchestres prirent place et firent un galop d’essai. Les princes firent une
entrée triomphale, bannières au vent.
La
délégation des tulipes avait à sa tête une magnifique tulipe noire au cœur immaculé.
Les
lys avaient un port altier et glissaient sur l’herbe majestueusement. Bleuets,
pavots et jasmins avaient choisi une entrée groupée et harmonieuse.
Sollicités
de toutes parts par des admiratrices, ils se dirigèrent vers le buffet où ils
burent des calices de boissons aromatisées aux amandes.
Enfin
ces dames, fardées, chargées de bijoux anciens et de perles en sautoirs firent
une entrée remarquée et embaumée.
La
valse de l’Empereur retentit et le prince Tulipe Noire baisa le pétale gauche d’une
rose d’Alger et ils ouvrirent le bal avec beaucoup d’élégance.
Chacun
trouva sa chacune au grand plaisir de la Reine des Roses qui surveillait le
maintien des danseurs et la qualité du service au buffet.
La
fête aurait été parfaite si un grand aigle n’avait pas plané au-dessus de la
clairière, jetant un certain trouble au niveau des danseurs. Heureusement la
Reine des Roses avait tout prévu et elle donna l’ordre de déployer un immense
parasol lumineux qui aveugla l’oiseau de proie.
Il
se retira afin de garder intacte la vue qui lui était nécessaire pour assumer
son rôle de roi de la montagne.
Des
papillons bleus qui semblaient venus tout droit de Palanque ajoutèrent de la
grâce à la féerie de la fête.
Des
couples constitués s’échappèrent pour filer le parfait amour et bientôt il ne
resta sur la piste que des danseurs amateurs de rag-time.
Estimant que la fête
était réussie, la Reine des Roses regagna ses appartements luxueux et après
avoir dansé une grande partie de la nuit puis s’être abreuvés et livrés aux
délices gastronomiques proposés, les irréductibles mondains partirent en
carrosses tractés par des licornes et rejoignirent le paradis des fleurs où
elles se trouvent encore avec leur descendance veloutée et nacrée pour
constituer un royaume ardent dont l’emblème serait une rose rouge, symbole de
tout un pays en mal d’amour et de rêve.