mercredi 16 mai 2012

Le temps des roses


 Il est revenu, le temps des roses, avec ses parfums et son vent de liberté, bousculant les jeunes filles qui flânent sur la plage, un livre à la main pour se donner l’air de croire à un monde meilleur, un monde coloré où les frontières seraient abolies.
Je les ai tant respirées, ces roses du matin que j’en ai eu une sorte d’éblouissement, revivant en un tourbillon de soieries et de perles la splendeur de ma jeunesse, dédiée aux forces de l’esprit et des mots, enchâssés dans un chapelet lumineux.
Je les ai tant attendues qu’elles se sont effeuillées, une année après l’autre, me laissant pantelante, en proie à la tentation du derviche tourneur qui cherche à abolir le temps. J’ai essayé de capter le reflet de la lune pour nimber les roses de l’espoir d’une couleur inédite, celle que l’on réserve aux femmes, prêtresses des divins songes envoyés par les Dieux.
Une sphère de cristal a pulvérisé notre sol natal d’éclats de diamants tout de suite recouverts de pétales de roses sur lesquels j’ai marché en ressentant une énergie nouvelle.
Il est revenu, le temps des roses, et j’ai dansé d’un pas léger, me livrant au bonheur sans retenue, sous une pluie de rubans dorés, enluminés, calligraphiés et brodés de roses soleil.

lundi 14 mai 2012

Les Collines de la Lune



Sur les collines bleues où volent de grands oiseaux blancs, des éclosions joyeuses ont lieu, comblant les espaces de verdure de couleurs miraculeuses, pervenches, buissons de roses et d’églantines, berceaux d’iris où nichent les mésanges.
Soudain, dans un grondement fauve arrivent des cavaliers vêtus de noir. Ils saccagent tout sur leur passage en riant comme les démons. Ils disparaissent de l’horizon suivis par des aigles qui ont semé la mort parmi les tourterelles. Ébahie et les jupons souillés, une petite bergère émerge du buisson de groseilliers du Japon où elle s’était cachée. Contrairement à des camarades qui n’ont pas trouvé la bonne cachette, elle a eu la vie sauve et elle pourra rentrer chez elle, la tête haute ; l’infamie ne l’a pas marquée de son fer rouge indélébile. Elle rassemble ses brebis, pleure la mort de son chien et l’enterre au courage, creusant la terre éventrée de ses petits bras.
Après ce déferlement de violence, la verdure ne fut plus jamais au rendez-vous et les paysans apeurés nommèrent cette terre de désolation les Collines de la Lune !

mardi 8 mai 2012

La Reine des Fleurs


Roses, bleu nuit, miel et framboise, blancheur de Colombine, vert émeraude, les fées du bonheur patinent sur les nuages pour nous donner un spectacle printanier tandis qu’éclatent crocus, jacinthes et tulipes.
Le prince Muguet et la princesse Myosotis valsent au clair de lune et se jurent réciproquement un éternel amour.
Des ballons de baudruche ont volé sous les arceaux des roselières, dérangeant le sommeil des mésanges nichées dans le cœur de berceaux tressés dans la paille et le roseau. Des cygnes ont glissé sur un étang lumineux, pressés de renouer avec les amours, essayant d’attraper les voiles colorés lancés par les fées pour leur imprimer un rythme de voyage. Et soudain, elle est apparue, la Reine des Fleurs, dans un carrosse d’or traîné par des chevaux pommelés. Le cocher et ses aides se sont relayés sans relâche pour que la reine atteigne son but, un château haut perché dans les nuages, gardé par des flamants roses et des ibis. Les chevaux ont pris un rythme endiablé et ont fourni un effort considérable pour parvenir au but.
Ses longs cheveux flottant sur ses épaules, le visage protégé par une mantille, la Reine des Fleurs a esquissé un pas de danse pour pénétrer dans son palais, embaumée par les roses et les fleurs de jasmin.
Blottie dans le cœur du palais comme les oiseaux dans leurs nids, elle a commandé une flambée et s’est fait servir une tourte aux asperges, un chaud froid de volaille et un Saint Honoré en buvant de façon mesurée du vin Muscat et de la belle eau fraîche pour en terminer avec du thé vert au jasmin.
Elle a choisi de prendre du repos rapidement car il lui reste un long chemin à parcourir sur les routes du pèlerinage de Saint Jacques de Compostelle. Demain, oui demain, elle quittera son château perché dans les nuages, son carrosse d’or, elle oubliera sa robe de dentelle et se vêtira d’une tenue de voyage et portera des chaussures de marche, remisant ses ballerines et une robe de reine dans un sac à dos. Elle aura à la main une canne au bout ferré en bois d’olivier et elle marchera bravement au milieu des pèlerins.
Elle doit accomplir un vœu, supplier Saint Jacques de jeter un regard bienveillant sur les pauvres des royaumes terrestres. Mais elle ne sera pas seule. Invisibles aux yeux de ses compagnons, les fées seront à ses côtés pour l’aider à accomplir ce noble voyage et elle reviendra certainement avec un sac plein de pépites, de louis d’or et de fleurs serties dans des colliers, bracelets et bagues où s’inscrivent les serments, notamment cette devise magique : « Espérance pour tous ! ».

samedi 5 mai 2012

La danse de l'éventail


Sur la route du rêve, j'ai déployé mon éventail et j'ai dansé, accompagnée par les oiseaux. J'ai longé la rivière et j'ai lancé mon éventail en offrande aux divinités aquatiques: il est devenu sampan et j'y ai pris place, descendant la rivière jusqu'aux cascades où l'enchantement a pris fin; alors j'ai repris ma promenade en longeant la rivière et en m'éventant jusqu'à ce que je rencontre un prince, mon prince et nous sommes revenus au palais, l'éventail nous servant de parasol.
Après s’être rafraîchis en marchant sur le marbre rose de la salle d’apparat, nous avons poursuivi notre détente en dégustant de délicieux sorbets aux litchis et à la fraise.
Alors le prince a appelé son chambellan et ce dernier a ordonné que commence la danse de l’éventail.
Des danseuses en robes à frou-frous, multicolores, d’une beauté à couper le souffle ont fait leur apparition, cadencées par le bruit de leurs talons. Elles ont mystérieusement ouvert leur éventail, dévoilant oiseaux, bergères et princes charmants. Flûtes, harpe et violons ont souligné le rythme imposé par la danse.
Elles nous ont transportés dans un ailleurs onirique où les fleurs s’ouvraient, libérant des parfums envoûtants.
Aubépines, églantines, grappes d’acacia et de glycines volaient au rythme de l’éventail qui devenait immense, féerique, projetant la beauté des danseuses en mouvement dans un arrière-plan sublime, à l’érotisme suggestif et soudain, après un final endiablé, un coup de talon libérateur fut imprimé qui libéra les tourterelles de l’amour.
Les danseuses s’éclipsèrent, les pages offrirent l’éventail sublimé de la danse et je me retrouvai au bord de ma rivière argentée, seule, les pieds dans l’eau et mon corps appuyé contre un berceau de roseaux.
Le Prince s’était fondu dans le courant mais il m’avait laissé un trésor, l’éventail mystérieux de l’amour bleu qui se lisait dans les nuages !

vendredi 4 mai 2012

À Yvan Cassar


On dit de lui qu’il est le meilleur arrangeur de la sphère musicale universelle. Il s’est illustré en proposant des arrangements à Johny Hallyday, Claude Nougaro, Roberto Alagna, Florent Pagny qui ne cesse de lui rendre hommage pour lui avoir permis de chanter les succès de Jacques Brel et tant d’autres chanteurs dont les noms m’échappent... Qui n’a pas été enchanté par ses prestations en qualité de chef d’orchestre ou de pianiste virtuose ? Je le revois, ses cheveux bouclés et longs virevoltant sous les assauts de la musique à qui il a voué sa vie !
Je peux parler de lui car il m’a été donné de le connaître tandis qu’il était en classe terminale dans un lycée Rennais où j’ai exercé mon métier de professeur de Lettres avec modestie. C’était une classe particulière consacrée à la musique. Les après-midis étaient réservés au Conservatoire de Musique.
Ma petite heure matinale, de 8h à 9 h chaque semaine, ne me permettait pas d’accomplir un véritable travail alors cette heure était réglée au gré des humeurs vagabondes et du rapprochement inévitable entre la poésie et la musique.
À la Renaissance, les poèmes étaient chantés. J’avais proposé à Yvan la partition musicale d’un poème de Ronsard et il l’avait accueillie avec joie. C’est ainsi qu’un beau matin, une interprétation me fut proposée, flûte traversière, piano et un ténor en la personne d’Yvan !
J’étais propulsée dans un autre monde et s’il y a tant de chants dans mes contes c’est sans doute à Yvan que je le dois ! À la fin de l’heure, il me fit remarquer qu’il était difficile, pour un ténor, de chanter tôt le matin. Sans doute ne l’avais-je pas remercié avec la chaleur qu’il jugeait nécessaire !
 J’étais submergée par l’émotion et le bonheur absolu : Ronsard m’était révélé dans sa dimension propre à la Renaissance qui m’est si chère aujourd’hui que j’en parle sans cesse.
Alors, Yvan, mille fois merci !