vendredi 12 août 2011

À Jean-Noël

S’il était un objet, il serait une belle Ferrari rouge en récompense de toutes les voitures modestes qu’il a pilotées, sillonnant la France et l’Irlande pour rendre service à sa famille et à ses amis.

S’il était un homme illustre, il serait un Pharaon, au regard oblique, les mains fermes sur son char, volant à la poursuite des oiseaux sacrés.

S’il était une couleur, ce serait celle de ses yeux, pers comme ceux de la déesse Athéna.

S’il était un livre, il serait « Le monde de Sophie » qui lui ouvrit la porte de la philosophie.

S’il fallait choisir un élément de sa personne, ce seraient assurément ses mains adroites, courant sur le clavier avec la maestria du pianiste.

S’il était un animal, il serait un chat persan pelotonné sur les fourrures de sa maîtresse.

S’il était une chanson, il serait tous les chants oubliés des îles sous le vent.

Et ne croyez pas que j’exagère si je vous dis, en ma qualité de mère, qu’il a reçu au-dessus de son berceau de nombreux dons de fées savantes aux cheveux ornés de roses.

Cependant pour ces êtres charmants, il existe toujours une part d’ombre tapie dans le néant, jalouse de toutes ces beautés.

Alors heureusement, cher Jean-Noël, tu as croisé la route d’une jeune fille qui t’aime et qui veille…

Fable des errants


La vie est un théâtre d’ombres où sommeillent les rêves jusqu’à ce qu’une porte ouvre sur le soleil levant.
Je connais un poète aux sandales d’argent. Arpentant les collines de son pays, il va, l’Évangile selon Saint Jean à la main et ses paroles abondent comme l’eau des rivières où songent les errants.
Il rencontre des femmes, de jeunes garçons, des vieillards, des hommes pleins de vitalité qui échafaudent des plans pour réussir leur vie, loin, bien loin de la misère ambiante qui les entoure à la façon des serpents.
Comme il aimerait voguer sur cette belle rivière, cueillir les nénuphars et admirer les poissons aux couleurs éclatantes ! Mais on lui a confié une tâche ici-bas : il doit regarder la pauvreté et la misère droit dans les yeux pour que se redressent les échines blessées. Alors il va, à la poursuite du soleil et la poudre ocre du chemin recouvre ses sandales.
Quand finira cette recherche éperdue ?
Une petite voix lui souffle qu’il en sera ainsi sa vie durant. Le regard illuminé par cette perspective, il sent gonfler dans sa poitrine le battement ardent de celui qui va à la conquête des mondes périssables sous la mouvance des étoiles.

mardi 9 août 2011

À Jean-Bernard

S’il était une fleur, il serait un beau lys blanc au cœur d’or.

S’il était une couleur, ce serait le bordeaux dont la lie imprègne ses doigts.

S’il était un oiseau, il serait un oiseau de Paradis, insaisissable et voyageur.

S’il était un végétal, il serait un roseau, flexible et résistant à toutes les intempéries.

S’il était une vertu, ce serait la modestie.

S’il était un vêtement, ce serait sa tenue de sommelier, évoluant avec souplesse et discrétion,  de table en table pour satisfaire les clients.

S’il avait besoin de modèles, ce serait tous ceux qui l’ont formé et qu’il n’a pas oubliés.

S’il était un pays, ce serait l’Irlande, la belle Erin chantée par les poètes où il a laissé l’empreinte de sa jeunesse.

S’il était un manque, ce serait l’amour car à tant donner, il ne reçoit pas à l’aune de ses offrandes.

Puisse ce petit poème lui rappeler qu’une personne l’aime pour tout ce qu’il est, sa maman !

dimanche 7 août 2011

Le chant des poètes















Les fleurs de mon âme se sont envolées jusqu’aux cieux et se sont gelées en calices cristallins de toutes les couleurs : le bleu des Touaregs, le blanc, incarnat, éclat de lune ou ivoire de ceux que le soleil a oubliés et la couleur de ceux qui sont improprement nommés « noirs » tant la palette mordorée de leur teint est nuancée.
Pivoines, tulipes et roses dont la fameuse rose noire de mes contes forment un tourbillon évanescent, à l’image de la force onirique qui s’empare du monde lorsque le rêve, l’idéal et l’humanisme sont battus en brèche par les thèses mauvaises qui justifient guerre, famine, crime racial et tous les maux de la terre qui pullulent avec la vitalité des mauvaises herbes, l’ivraie, que l’on peut difficilement arracher.
Il ne nous reste que le cri de notre cœur, les prières des croyants et la vigilance des poètes, debout, sur les collines, prêts à affronter les vents mauvais qui soufflent parfois sur les plaines en feu.

Lecture exhaustive d’un manuscrit de Thierry Manirambona

« Je suis un nénuphar planté sur le hasard »

Ce vers miraculeux, j’aurais aimé l’écrire. Il ouvre un univers où l’eau, la terre et le ciel se confondent, témoin terrestre de l’ancrage des poètes debout face aux vents parfois mauvais qui cernent les hommes, si fragiles, avec leurs hésitations, leurs doutes et leur coupable faculté à devenir Caïn « comme un vagabond sans lendemain ».
Les événements qui ont déferlé sur le Rwanda, Thierry Manirambona les qualifie magnifiquement de « saison dont j’ignore le patois ».
Certes quand on pratique avec tant de maestria la langue des poètes, celle de Ronsard dont on oublie parfois qu’il a vécu dans une époque livrée aux guerres, quand on a le talent de Thierry Manirambona, qu’il est difficile d’évoquer en termes choisis mais si explicites un bouleversement qui restera dans l’histoire universelle !
Ensuite il faut renouer avec les fils du passé, être le tisserand comme il le dit si bien
« Si tu veux bien m’ouvrir ton cœur
Je vais chanter les chants d’avril
Tu sais que je suis trop habile
Que je suis tisserand de pleurs »
Comme elle doit être vide l’âme de ces guerriers bardés de décorations, revenus de l’enfer.
Souhaitons-leur, avec le poète de voir « la lueur d’une étoile du matin ».
De ce voyage où les absents sont constamment mentionnés pour qu’on n’oublie pas leur sacrifice, on revient enrichi, pensif et plus que jamais hostile à la guerre, quel qu’en soit le motif « Retrouvailles », dédié « à tous mes voisins qui ont souffert » est l’une de ces œuvres que l’on ne peut pas oublier.

À Marie

À Marie

Si elle était une fleur, ce serait un camélia, généreux et flamboyant au cœur ourlé d’amour.
Si elle était un bijou, ce serait un collier d’étoiles d’argent, une broche de rubis, des pendants d’oreille d’or blanc et de diamants, un bracelet de roses en quartz.
Si elle était un oiseau, ce serait une tourterelle au plumage chatoyant.
Si elle était un tableau, ce serait Le Printemps de Botticelli.
Si elle était un poème, ce serait un sonnet de Ronsard « et vous, belle Marie, Pour qui je fus trois ans en servage à Bourgueil » et gageons que pour toi, Jean-Noël acceptera avec joie d’être en servage toute sa vie.
Si elle était un animal, ce serait assurément un chat, « marqueté, longue queue » en forme de panache, le cœur incrusté dans la mâchoire.
Si elle était une chanson, ce serait toutes les romances.
Si elle était un blason, ce serait celui d’une reine.
Si c’était un élément de sa personne, ce serait un rire cascadant sur la morosité des jours.
Si c’était une perle rare, ce serait la jeune fille dont nous avions toujours rêvé, si belle et si sincère que nous l’aurions imaginée, sortant d’un livre de contes pour faire rayonner la féerie de son âme.
À la Jalousie, chère Marie Da Silva dont j’ai fait le portrait chinois avec beaucoup de bonheur et de sincérité, tu seras toujours chez Toi.

Un dernier livre !

J’ai mis le point final au manuscrit de « La Vallée des Songes ». Il faudra un certain temps selon la formule de Fernand Reynaud pour qu’il puisse vous parvenir sous sa forme achevée de livre.
Grâce à la présence chevaleresque d’un personnage nommé Soleil d’Or, j’en termine avec l’aventure commencée avec L’Étoile des Chevaliers que l’on pourrait sous-titrer L’enfance d’une Reine (cf. La Reine Diamant). Cependant, je n’ai pas résisté au plaisir d’écrire des contes, en préliminaire, les présentant comme l’œuvre de Flamboyant, réalisée pour l’éducation de son fils chéri nommé Petit Jour.
Quel rapport y a-t-il entre Petit Jour et Soleil d’Or ? Vous le découvrirez en lisant, avec passion je l’espère, « La Vallée des Songes ».

Culture et tradition

Apprécions, comme il se doit, le courage et l’abnégation de soldats, dernier rempart de la République mais de grâce, n’en faisons pas de super héros.
L’armée obéit à un gouvernement qui peut parfois se tromper. Il suffit de relire l’histoire de France pour s’en convaincre.
Pour ma part, éprise de poésie et de romanesque, je me réfère à deux chefs d’œuvre, La Chartreuse de Parme de Stendhal côté livre et les Grandes Manœuvres côté film. J’entends le bruit des sabots martelant le cœur de belles qui s’étaient cru aimées, je revois le magnifique Gérard Philipe dans ce film, incarnant un bel homme volage pour qui une femme n’était qu’un bastion à renverser, un avant-goût de la guerre en somme, ou un repos de guerrier … C’est une version édulcorée de ce qui peut arriver dans les véritables guerres, viols et carnages qu’on préfère ne pas montrer. On s’en tient aux amours brisées afin de ne pas ternir la belle image de ces fiers cavaliers, sabre au clair, que nous voyons encore dans les défilés du 14 juillet.
Je me contenterai d’une seule question : Pourquoi faut-il donner des armes à ces grands enfants qui risquent ensuite, hélas ! de s’en servir ?

Ti Blanc

Il est entré dans nos vies, il y a sept ans (chiffre féerique !), Ti Blanc alias Thomas Voeckler en gagnant une étape du Tour de France en échappé solitaire, ce qui lui valut le maillot jaune au temps où Lance Armstrong régnait en maître sur le tour. On découvrit ce gavroche de la bicyclette avec une admiration sans borne pour sa modestie, son courage et son intelligence.
Aux Antilles où il vécut dans sa prime jeunesse, on l’aima spontanément, son surnom affectueux en créole en témoigne. Le premier soir, il enchanta les téléspectateurs en adressant un long message dans la langue créole aux Antillais qui l’avaient soutenu.
Aujourd’hui, on a plus ou moins oublié ce surnom mais ce grand petit homme au visage de gamin nous donne encore envie de croire à ce beau sport si sévèrement éclaboussé.
Alors, vas-y Thomas ! gagne encore de belles victoires car toi, assurément, tu le mérites !

Le pêcheur d'étoiles

Calé dans sa barque en écorce de bouleau, un pêcheur voguait sur un lac profond. Croyant apercevoir un banc de poissons dans un scintillement argenté, il lança ses filets. Surprise ! point de poissons mais des colliers d’étoiles qui jetaient des lueurs incandescentes. Il porta cette précieuse collecte au palais de la reine et attendit si longtemps avant d’être introduit auprès de la souveraine que les étoiles moururent et s’éteignirent pour ne devenir que de vulgaires cailloux. Alors que les gardes s’apprêtaient à le décapiter pour avoir déshonoré la reine, la petite princesse âgée de quatre ans, dont le sourire était un vrai soleil, s’empara du bijou dédaigné, le planta dans ses cheveux bouclés, s’en orna le cou et les poignets et ô miracle ! les étoiles jetèrent à nouveau leur éclat de comète. Le pêcheur fut élevé au grade de majordome et on lui confia la princesse Fleur d’Étoile, ainsi fut-elle rebaptisée, pour lui apprendre les secrets du lac du royaume.
Un jour, en se mirant dans les eaux profondes, Fleur d’Étoile aperçut le reflet d’un petit garçon dont la peau mordorée captait mille et un soleils.
« Je suis l’âme du lac Tanganiyka » dit l’enfant et je t’attendais depuis des millénaires.
Fleur d’Étoile lança dans les eaux bleues le diadème d’étoiles qui ornait sa chevelure blonde et attendit le retour du prince qui lui était promis.
La reine prépara trousseau de mariée et cérémonies de mariage mais les deux enfants choisirent de vivre au cœur des lacs et de rester toujours unis pour participer à l’équilibre des deux mondes, l’un couleur blonde, l’autre couleur de sienne traversée de rayons lumineux.

À Thierry Manirambona

Dans ma quête poétique, je ne suis plus seule. Thierry Manirambona, auteur de Sapin d'Avril chez Publibook, met ses pas dans les miens, à moins que ce ne soit l'inverse.

Nous voguons dans les mêmes sphères, attirés, comme les libellules, par le soleil.

Si vous suivez l'article liens de mon site, vous pourrez constater que nous marchons à l'unisson. Seul change le décor.

Nous écrivons à quatre mains, l'un se trouve près du lac Tanganyika, l'autre erre dans la mémoire vive d'une voyageuse dont le principal plaisir consistait à suivre le chemin de halage d'un canal, admirant les péniches et partant en rêve sur ces eaux dormantes chères à Baudelaire.

Supplique

Il flottait un parfum de roses et de glaces, de guimauve et d'enfance, de chocolats fondants au cœur de nénuphars en pâte d'amandes. Une pluie de pralines et de dragées, de bonbons acidulés et de caramels mous s'échappait d'un nuage ourlé d'un feston de litchis. Mais un nuage noir qui n'était pas prévu pour les festivités répandit sur la fête foraine des éclairs violents qui semèrent l'épouvante. Dès qu'ils touchaient le sol, ils se transformaient en guerriers qui n'avaient aucune pitié. Plus sanguinaires encore que les soldats qui perpétrèrent, sur commande, le massacre des Saints Innocents, ces soudards mutilaient les enfants, prenant plaisir à écouter leurs plaintes avant de les achever. Quel était leur tort ? Celui de ne pas être du bon côté des hommes au pouvoir, incapables de concevoir un projet universel dans le respect des droits de tous à vivre en paix.

De Ronsard à Colette

En relisant les poèmes de Ronsard, j’ai trouvé une perle rare intitulée tout simplement LA SALADE
« Lave ta main, qu’elle soit belle et nette,
Réveille toi, apporte une serviette ;
Une salade amassons et faisons
Part à nos ans des fruits de la saison. »
Bien mieux que Jean-Pierre Coffe, Ronsard offre en une centaine de vers les conseils avisés d’un écologiste du XVIème siècle : aller dans les champs chercher « la boursette touffue, la pâquerette à la feuille menue, la pimprenelle heureuse pour le sang, la responsette à la racine douce …. »
Magnifiant la qualité du produit et sa cueillette au sein d’une nature généreuse liée à l’amour, Ronsard, se référant à Ovide et à Virgile, nous conduit en musardant trois siècles plus tard à Colette qui découvre, enfant, l’inouïe profusion des cadeaux de l’Aube.
On déguste à chaque ligne la vie de l’écrivain intimement liée à toutes les saveurs, on rêve à sa propre enfance.
Un jeune prolétaire déplorait de ne pouvoir entrer dans l’univers de Marcel Proust, pensant qu’il fallait obligatoirement boire du thé pour comprendre la métamorphose de la madeleine … jusqu’au jour où il associa un petit beurre à une tasse de chocolat. Il lui suffisait alors de transposer un univers bourgeois dans le sien, empreint de coutumes ouvrières.
Colette Gourmande foisonne de détails culinaires et magnifie le travail quotidien de la femme au foyer. Parlant de sa mère Sido qu’elle adulait, elle la décrit ainsi : « Ses bras emmanchés de toile blanche disaient qu’elle venait de pétrir la pâte à galette, ou le pudding saucé d’un brûlant velours de rhum et de confiture ».
Au fil des pages, on s’aperçoit que la gourmandise, l’art de la table, l’histoire d’un produit relèvent pour Colette de la poésie la plus pure.
On suit l’auteur pas à pas, engrangeant des parfums et des phrases cristallines.
Les recettes favorites de Colette sont présentées en bouquet final.
Si je devais n’en choisir qu’une, ce serait La boule de poulet qui semble si aérienne.
La tourte de pain bis accompagnée de photos somptueuses nous laisse rêveur.
Il y a au moins pour un an de bonheur dans ce livre qu’on déguste comme un grand vin, à petites doses.
Les illustrations relèvent de l’art pictural.
Personnellement j’ai un faible pour la photographie où l’on voit Colette tenir deux chats contre elle (page 139). L’alignement de leurs yeux est saisissant. Nous nous sentons regardés.
La grande prêtresse du verbe nous incite à relire son œuvre. C’est bien ce que j’ai l’intention de faire.

Les Dieux sont morts !

On ne verra plus sa silhouette émouvante hanter les bouquinistes et les librairies, ou alors ce sera en rêve.
Lorsqu’il parlait, il incarnait la France, toute la France, et non la frange écumeuse et mondaine de groupuscules en mal d’héritages.
On lui a donné des surnoms qui se voulaient distingués mais qui traduisaient la haine de ceux qui en veulent plus, Florentin, Machiavel … On l’a assimilé à Néron ou à Sardanapale. Mais en réalité nul n’est parvenu à déraciner cet homme qui aimait les arbres et les roses mais plus encore les hommes et les femmes de la Terre de France qu’il avait contribué à libérer.
Aujourd’hui, nul ne songe à l’imiter. Nous avons de grands argentiers, d’excellents justiciers, de bons chercheurs es bien être social, toutes les facettes de celui qui est entré dans l’histoire mais nous aimerions tellement qu’un représentant de notre pays flâne dans les rues de Paris ou de Province sans le déploiement démesuré de forces de l’ordre et salue au passage les dames qu’il croise en soulevant son chapeau comme dans l’œuvre de Marcel Proust.
Actuellement nous vivons le mauvais scénario d’un film issu tout droit d’un roman de Frédéric Dard avec des répliques qu’Audiard lui-même désavouerait pour leur vulgarité.
Oui nous vivons la fin d’une époque et je crois entendre la phrase ultime entendue par un romain, selon les Martyrs de Chateaubriand, lorsque les colonnes et les statues qui étaient l’orgueil de l’empire s’effondraient dans un tumulte insoutenable : « Les Dieux sont morts ! ».

À ma chère tante Marie, pour ses 102 printemps

Mai, le joli Mai

« C’est le Mai, c’est le Mai, c’est le joli mois de Mai… ». Cette ritournelle chante dans ma tête. Bien d’autres encore s’emparent de moi tandis que les symboles commencent leur ronde.
« C’est le mois de Marie, c’est le mois le plus beau… ». Évidemment le mois de Mai est synonyme d’hommages rendus à la Vierge Marie. Enfant, j’ai voulu participer aux processions. Je rêvais de jeter des pétales de roses à partir d’un petit panier, sur une route champêtre, avec de multiples haltes votives. Péché d’orgueil : j’étais grande et forte. Au lieu de cet attirail poétique, on me confia une pancarte à la gloire de Dieu.
Le mois de Mai est aussi celui des travailleurs et des révolutions. Je me suis longtemps trouvé une forte attirance pour cet aspect du monde mais sommée de choisir entre l’une ou l’autre vision idéologique, je me suis échappée sur le sentier étroit de la poésie.
Il n’est pas étonnant qu’un 11 Mai, un petit bébé ouvre de grands yeux étonnés sur son environnement immédiat et familier. Qui, mieux que Thierry Manirambona peut chanter la femme sous tous ses aspects, tour à tour belle et repoussante, pure et abjecte mais toujours humaine, auréolée d’un nimbe quasi divin, à l’image du monde ? Cet enfant ne savait pas encore qu’il serait prince en poésie et que sa voix s’élèverait par delà le pays aux mille lacs, accrochant la planète francophone au rythme du Tam-tam.
Bon Anniversaire, Thierry !

Hommage à Patrick ROY

Flamboyant dans sa fameuse veste rouge, parfois vêtu de jaune, sans doute pour évoquer le printemps des peuples, le député Patrick Roy faisait entendre sa voix de tonnerre, toujours prêt à incarner les gagne-petit afin de repousser la misère dans les terres incultes, désireux d’y voir fleurir des roses métalliques.
Sa souplesse de félin et son sourire malicieux d’homme du Nord, habitué à lutter contre les vents mauvais le rendaient aussi rare que l’oued dans les zones désertiques.
Dans l’hémicycle, il ne passait pas inaperçu et tâchait de rendre au centuple la confiance de ses élus.
Aujourd’hui, nous voilà tous orphelins. Pleurons et inclinons-nous devant la force inouïe de cet homme qui regarda la mort en face et osa la défier.
Je n’oublierai jamais son sourire d’enfant et sa volonté de briser les injustices, ployant comme le roseau avec le port altier du chêne.
Que des jonchées de roses lui rendent la terre légère !

Le danseur de claquettes

Il est passé comme un rêve, le danseur de claquettes, il a dansé toute la nuit puis il s’est laissé enfermer dans un manteau pour devenir cavalier. Il a chevauché longtemps dans les grandes plaines puis il s’est reposé dans une cabane au bord des roseaux. Il a apprivoisé des oiseaux jusqu’à jongler avec les moins farouches. Il a guetté les beautés champêtres et s’est endormi, chaque soir, auprès d’une nouvelle amie, conquise par les serments d’amour qu’il prodiguait sans retenue, sûr de ne jamais tenir les « pour toujours » murmurés avec une tendresse feinte.
Puis un jour, il a senti une douleur vive lui vriller le corps. Il s’est mis debout en grimaçant, il a peiné pour aller boire l’eau des sources et il a compris alors qu’il ne pourrait plus danser. Poignardé en plein cœur par cette révélation, il a voulu se rendre dans un ermitage mais tout au long chemin, il a croisé l’ombre des belles qu’il avait rejetées et qui étaient mortes de désespoir. Il a imploré leur pardon, en vain. Alors il est descendu de cheval et a poursuivi sa route vaille que vaille. Il était le danseur de claquettes n’est-ce pas il devait bien lui rester quelque ressort. Mais sur le chemin du néant, il lui fallait autre chose que quelques pas de danse.
Tout au bout de la route bordée de noisetiers et de buissons d’églantines, il y avait une dame vêtue de bleu, d’une beauté céleste.
« Danse pour moi ! » lui dit cette reine avec une infinie bonté. Le danseur esquissa quelques pas puis incrédule, il dansa longuement, retrouvant ses jambes de vingt ans.
Lorsqu’il voulut remercier cette souveraine, il ne restait d’elle qu’un bouquet de lys.
Une petite paysanne apparut au loin. « Reste auprès de moi et je t’aimerai toujours » lui dit avec amour le danseur menteur mais cette fois, il le savait, il veillerait à respecter sa parole et à l’aimer.

God save the queen !

Le mariage du prince William et de sa bien aimée Kate a suscité l’enthousiasme des foules. Les images de leur bonheur ont inondé les chaînes télévisées, suscitant des commentaires enthousiastes sur les plateaux.
Je regardais ce spectacle avec un certain détachement, jusqu’à l’arrivée de la mariée. Rayonnante, au bras de son père, elle est apparue dans une robe qui a laissé les commentateurs sans voix, y compris notre célèbre Karl Lagerfeld.
J’ai murmuré, dubitative : « Ce doit être du tulle ». Par la suite, j’apprendrai que je ne m’étais pas trompée et que la robe avait été coupée dans une pièce de tulle qui provenait de Caudry, petite ville du Nord où mon père a vu le jour.
En un éclair, j’ai revu ma tante Marie, assise près de la fenêtre, refaisant les broderies qui avaient eu un accroc sur les métiers.
On appelait les ouvriers tullistes « les noirauds » car le travail sur les métiers jacquard nécessitait un passage au plomb.
Les ouvriers de Caudry ont exécuté la commande sans connaître la destination de leur ouvrage.
J’imagine qu’ils ont dû être très fiers, y compris ceux qui venaient d’être licenciés pour d’obscures raisons que l’on nomme « lois du marché ».
En ce 1er Mai, je songe à tous ces travailleurs de l’ombre qui ont contribué, par leurs mains, noires ou pas, à faire de la France un pays riche.
Je salue tout particulièrement les Caudraisiens, toujours courageux dans l’épreuve, forgés à l’amour du travail.
Oui, elle était très belle, la princesse, et vous y étiez, un peu, pour quelque chose !
Quant à la reine Élisabeth II, elle était, comme toujours, magnifique dans une toilette « Daffodil ».
Vive le printemps et que Dieu garde la Reine !

Berceuse

Vêtues de longues robes couleur pastel, rose et pourpre filé or, trois fées devisaient dans un patio en buvant du thé au jasmin. Soudain, le ciel s’obscurcit et un griffon gigantesque fit pleuvoir des oranges en guise d’introduction puis ouvrit la route à une cigogne qui portait un panier où gazouillait un bel enfant. Les fées se penchèrent sur ce berceau venu des airs et offrirent au petit prince le don de charmer, celui de s’instruire et enfin celui de connaître une vie pleine de rebonds. « Qu’il en soit ainsi, belles marraines » dit l’enfant en bondissant hors de sa douillette protection. Il grandit tant et tant qu’il toucha presque les encadrements du patio.
Une tunique blanche et une ceinture d’argent couvraient son corps d’éphèbe. Chaussé de belles sandales cloutées de vermeil, il fit le tour du patio et du palais en quelques enjambées.
Un destrier noir l’attendait à l’écurie. Il l’enfourcha après s’être botté et disparut, laissant les fées dubitatives et rêveuses. La fée pastel dit en un murmure : « Il me semble que les destinées nous échappent ! ». La fée rose notifia qu’elles n’étaient pas les Trois Parques et la fée pourpre filé or fut d’avis qu’il ne fallait pas attacher d’importance à ce petit événement.
Cependant le prince qui n’était autre que le fils d’un orage et d’une cascade passa sur le monde comme une tempête et fort des trois souhaits des fées, dévasta et ravagea les plus belles villes, épargnant celles qui contenaient librairies et bibliothèques ou villages qui tenaient compte de la parole et de la sagesse de centenaires.
Le palais des trois fées fut naturellement épargné et l’on raconte que les soirs de tempête, un beau prince rend visite à ses marraines. Il leur apporte des cadeaux d’Orient et leur conte des histoires venues de la belle Afrique, continent qui érige une stèle vivante à la mémoire humaine, pleine de tumulte et de mots caressants. Il flotte alors dans le palais un parfum de cannelle et de vanille et les hibiscus éclatent de fleurs, faisant cascader rubis et topazes.
Quant au prince, il rêve d’épouser une promise qui l’attend par-delà l’océan. Elle porte un pagne et des colliers de coquillages. Elle danse au rythme des vagues et lui donne le désir de vivre au bord des lagons.
« Qu’il en soit ainsi ! » dit le griffon, de retour d’un monde fantastique.
C’est alors que les tempêtes et les catastrophes naturelles liées aux débordements de l’eau disparurent à tout jamais de la terre.
Les hommes vécurent en paix et les trois fées continuèrent à deviser sur les murmures du monde en buvant, à petites gorgées, le thé au jasmin et en grignotant de délicieux biscuits parfumés à la fleur d’oranger.
Les colombes volent dans le patio et se posent sur le feuillage des citronniers tandis que l’eau de la fontaine reproduit le chant des oiseaux.

Le Pharaon

Seul dans sa sépulture inviolée, le pharaon veille. Les bruits sourds d’une lutte lui parviennent. Les Hittites seraient-ils de retour ?
Il croyait pourtant les avoir réduits en poussière. Mais le scarabée qui lui rend parfois visite lui affirme qu’il s’agit de révoltes populaires.
« N’a-t-on pas mis du blé en réserve ? s’étonne le pharaon. Hélas, non répond le scarabée.
De plus, le Nil n’apporte plus autant de richesses qu’autrefois. Un pharaon des temps modernes a freiné son cours en installant un gigantesque barrage, inondant une partie de la Vallée des Rois. Comment est-ce possible ? soupire le pharaon. Le Nil est un cadeau des dieux et il doit apporter sédiments fertiles et nourriture ». Pensif, le pharaon s’interroge. Doit-il rejoindre le soleil dans son char doré ou se faufiler dans les ruelles populaires d’une ville égyptienne pour prendre la mesure de la gravité de la situation ?
Mais son joueur de flûte qui veille à ses pieds le persuade d’attendre quelques années pour enfin revenir dans son royaume enchanté, aujourd’hui gagné par la folie des hommes

La valse des hussards

Charmeurs et bottés, les hussards s’inclinent avec grâce devant leurs cavalières, empourprées et timides pour les entraîner ensuite dans une valse folle qui les mène au bord de l’évanouissement puis ils tournent les talons et fument des cigares en songeant avec délices au plaisir qui les attend, l’unique plaisir qui déclenche un frisson dans leur échine souple, la guerre !

Le voyageur des âmes

Il est parti, le voyageur des âmes. Il a pris le ferry puis une modeste barque qui glisse entre les roseaux humides. Protégé par un chapeau de paille ourlé de groseilles picorées par les oiseaux, il rêve du temps où il était un jeune homme passionné.
Sa belle d’amour lovée sur sa poitrine levait vers lui des yeux pleins de soleil et d’espoir mais il avait laissé fuir cet amour pour enfourcher un cheval de conquête. Il avait tant voyagé qu’il avait emporté sur ses épaules toutes les âmes des vies brisées. C’est ainsi qu’il était devenu le voyageur des âmes et que son corps entier recelait les secrets des terres saccagées et incendiées.
Lourd de cette misère et léger de sa propre fêlure, il souhaitait que ce voyage en barque ne finisse jamais mais la fin arriva plus vite que prévu. Dans une énorme fleur d’eau, l’esquif se fracassa et le voyageur des âmes rejoignit sa belle qui ne l’avait jamais quitté.
Elle resplendissait au fond de son cœur. Pulvérisant les âmes brisées, elle fit jaillir du lit de la rivière un dôme de verre où elle enferma son amant.

Les amants

Cœur contre cœur, peau contre peau, les amants courtisent la géographie intime de l’être aimé, ici un sourire en forme de vallée, là un frisson qui court à la manière des sources, furtives et souterraines, dessinant et sculptant des pitons de rosée et d’amour.
Ils rêvent enlacés, épuisés par leurs folles caresses et captent les soleils qui se mirent dans leurs yeux. Leurs paupières tremblent, ébranlées par les assauts fougueux de cavales insoumises et d’étalons guerriers.
Au réveil, il ne leur reste qu’une immense tendresse aux couleurs de l’être aimé.

Les roses de Damas

Les roses de Damas tournoient comme autant de mirages sur une route poudreuse où jadis Paul tomba de cheval, foudroyé et aveuglé.
Les parfums du jasmin se répandent dans une terre foulée hier par des conquérants. Le muguet, plus modeste, s’apprête à fleurir dans la vieille Europe, propageant l’espoir de la liberté et la fin de l’asservissement généralisé.
Moi, je cueille l’églantine, sans craindre de me piquer et je vais par les chemins, rêvant des horizons lointains où marchés, senteurs, fleuves fulgurants nous renvoient à la modeste beauté de nos jardins intérieurs d’où s’échappent les colombes.

Le bel aujourd'hui

Un perroquet sur l’épaule, du jasmin dans les cheveux et un œillet à la bouche, le jeune homme Printemps surgit du tulipier où il s’était caché et danse dans les prés, cueillant des bouquets d’iris et de jonquilles pour les offrir à la source qui raconte des histoires en babillant.
Il était une fois une fée qui attendait la venue de son prince. Elle l’imaginait beau et altier. Il vint un jour, cuirassé de métal, protégé par un scaphandre. « Je suis venu vous chercher, mon aimée » dit le prince. J’ai une tenue à votre taille pour éviter les pustules qui ne manqueront pas de vous envahir car la planète se dégrade de jour en jour ».
Mais la fée refusa de quitter son environnement. Et bien lui en prit car le jeune homme Printemps la rejoignit et l’aima.
Dans la bulle de leur amour, ils vécurent éternellement l’éphémère beauté des fleurs et des papillons.

La Vallée des Songes

La Vallée des Songes

Alors que je rêvais dans ma chaumière (sic), un nom s’est imposé à moi : Soleil d’Or !
Oui, je sais qu’il s’agit d’un pléonasme et que, par ailleurs, il s’oppose à « Soleil noir » du Déshérité de Gérard de Nerval mais c’est ainsi : lorsqu’un nom s’impose pour être la figure centrale d’un livre intitulé La Vallée des Songes, on ne peut pas le repousser. Il faut construire autour de ce nom et de ses imbrications métaphoriques. Certains esprits chagrins ne pourront se dispenser d’un soupir : encore un livre de chevalerie s’inscrivant dans le merveilleux !
« Est-ce vraiment d’actualité ? » me disait une amie. J’ose affirmer « oui ».
Si l’on regarde les images du monde, on assiste, impuissant, à de tristes spectacles.
Des cadavres filmés de par le monde et ceux que l’on ne voit pas appellent à une réflexion sur la guerre.
Comme il est difficile de prendre partie de manière objective, il est bon d’exprimer un ressenti par un biais indiscutable, le destin d’un héros poussé à la guerre, contre son gré, sous prétexte qu’elle est juste.
J’espère ainsi apporter ma petite contribution à l’esprit de révolte qui commence à souffler sur le monde. Derrière de jolis mots « Révolution du jasmin », « Place de la Perle », il y a des morts, beaucoup de morts.
Alors oui, je lance mon chevalier Soleil d’Or dans un monde fantastique qui ne ressemble au nôtre que sur un point : la présence de la guerre et de ses corollaires, la cruauté, l’injustice et la mort des humbles.

La Reine de la Nuit

L'Afrique aux mille parfums et aux mille couleurs valse pieds nus sur les sables du temps. Drapée dans son boubou de fête bleu aux parements blancs, la déesse du continent regarde droit devant, comme la figure de proue d'un navire qui fend les flots vers son destin.
Je te regarde et je t'admire, tu es ma sœur jumelle et il me suffit de fermer les yeux pour que déferlent en moi le kaléidoscope des jours de fête et le fier souvenir de milliers de soleils.

La danse d'Esméralda

Dans nos cœurs, Esméralda danse au rythme des Nuages de Django Reinhardt. Elle a quitté le parvis de Notre Dame où l’a installée Victor Hugo pour errer dans notre imaginaire et vivre en nous.
Quoi que j’écrive, je le dédie à cette beauté qui ne demande qu’à aimer.
Pourquoi faut-il que des êtres pétris de méchanceté souhaitent sa mort ?
Dans mon livre Contes des royaumes oubliés, la nouvelle liminaire intitulée l’accordéoneu a pour héros un être doublement méprisé. C’est l’enfant d’une marginale, installée dans un pré, vivant dans un wagon désaffecté. J’ai connu une famille identique dans le petit village du Nord où j’ai vécu, rencontrant également parfois à l’école des filles de mariniers que l’institutrice dédaignait. Je me souviens d’avoir été réprimandée pour avoir tenté de donner des explications, à la récréation, à une petite fille complètement perdue dans le dédale des leçons d’orthographe et grammaire.
L’accordéoneu, Accordéoniste en langue picarde, quitte le Nord inhospitalier muni d’un accordéon que lui a offert un gitan, hôte épisodique de sa mère.
J’ai vu récemment, parmi les expulsés, un homme qui n’avait pour tout bagage qu’un accordéon et un baluchon et j’en ai eu le cœur serré. 50 ans plus tard, mon Accordéoneu existe donc toujours ?
Pourquoi ne pas lui demander de jouer de son instrument, l’insérant ainsi dans les projets culturels de notre pays au lieu de le renvoyer comme un être indésirable ?
Tant que je vivrai, ces êtres se promèneront librement dans mes livres car ils se sont fondus en moi. Pourquoi ai-je intitulé mon dernier livre La Chanson des Nuages si ce n’est pour rendre hommage au musicien incomparable que fut Django Reinhardt dont les mélodies chantent pour l’éternité la beauté du Voyage et de la Liberté.

Tes Yeux me sont Nuages

Tes yeux me sont nuages…Tes mains caressent
le lapin de la lune endormie tandis que je cherche
ton cœur, frêle esquif sur la mer lie de vin.
Les tourments de mon âme m’éloignent de
tes yeux si doux.
Que n’es-tu le maître du lilas, que je me perde en tes épaules
noueuses si caressantes, aux senteurs de la Provence !
Le myrte et l’olivier jaillissent près des sources blondes où rit la mésange bleue.
Ô toi, mon maître, mon amant, je te regarde de mes yeux orpailleurs,
prête à t’accueillir en ma demeure, un grand châle de cachemire sur
mes cheveux où point timidement l’argent.
Ô toi, mon maître, mon amant, je te regarde jusqu’à ce que je
devienne nuage sur la lune endormie où règnent les errants.

Voyage

Mon âme bleue s’est enfuie sur les routes poudreuses à la recherche de l’Orient magique où vivent les fées mais elle s’est heurtée aux rochers noirs cernés par les aigles.
Des perles cascadent sur le corps statufié et dénudé de la reine, l’habillant de lumière. Des profondeurs de la nuit, une aube nouvelle déchire le tissu des rêves et zèbre de turquoise les blondeurs du jour.
Je reprends ma route, mon âme chevillée au corps et je m’incline devant l’immuable vérité de la valeur temps. Je m’inscris dans une spirale qui va de l’avant avec un cortège d’images et d’hiers enfouis sous les glaces de la mémoire.
Je traverse le miroir et arrive, pantelante, sur le terroir de l’enfance multipliée, sublimée et réduite à la manière des Jivaros, sauvage et poétique.
Sur le parchemin palimpseste des amours ensevelies, j’écris une symphonie pleine de vertiges et de polkas, de valses lentes conduites par des cavaliers de charme à tête de mort. J’entre dans la ronde moyenâgeuse de la fuite du temps et je me cabre de toutes mes forces pour briser la cadence. J’ai le sabre des samouraïs et je compte bien décapiter les cavaliers pour les obliger à reprendre un visage souriant et printanier.
C’est à ce moment que je m’éveille et que je cours sous la rosée à la recherche du printemps éternel qui pivote sur les talons aiguilles des fées avec le sourire des roses.

Ode à la liberté féminine

« Je ne suis pas quelqu’un que l’on chasse » disait Coco Chanel avant de devenir célèbre et elle coupa dans le drap les vêtements de la liberté, sans corset, sans fanfreluche inutile et sans ostentation.
L’élégance de la ligne sobre, des corps, de la nature prima sous son dé audacieux. Que dirait-elle si elle se promenait aujourd’hui, croisant des beautés voilées, aux yeux fardés comme si la féminité se résumait au déni des corps avec un soupçon de noir pour souligner les yeux, miroir de l’âme disait-on jadis ?
La beauté arborée sous l’étendard du deuil n’est-elle pas la négation de l’émancipation féminine que l’on croyait définitivement réglée ?
Il me suffit de fermer les yeux pour voir dans un carrousel blond, de belles cavales porteuses de lumière.

À la poursuite du printemps

Bleu bonheur, tu apparais derrière le rideau de fleurs sur le miroir de mon cœur.
Les sources chantent le renouveau de l’amour. Dans une barque qui glisse sur l’eau des rivières perdues, je jette un à un les pétales de roses du jour, bonheur amour.
Biches et chevreuils se défient en une course éperdue et moi, dans ce mouvement perpétuel, j’oscille en robe de bal, valse bleue, valse lente sur la Volga.
Que faut-il faire pour rejoindre la rive où s’aiment les amants de toujours ou d’un jour ? Danser, chanter, écrire, jeter son cœur à la volée ? Volière d’amour, mon âme abrite des milliers d’oiseaux qui rêvent de partir vers les palais bleus du bonheur.

Pivoine

Des perles, des centaines de perles s’écoulaient de façon continue dans sa gorge. Paul essayait de lutter contre ce flot incessant qui finirait par l’étouffer. Inexorablement les perles, ivoire, roses ou noires, celles de la mer de Chine qu’il avait tant aimées se déversaient avec la régularité des grains de maïs activés dans le gosier des oies et des canards pour le gavage. À ce rythme, mon foie va être transparent et cet amas de perles s’incrustera sur ses parois jusqu’à l’éclatement. Paul tenta de rompre la chaîne du destin mais sa main griffa le drap sans pouvoir le soulever. C’est alors qu’elle apparut, dans toute sa céleste splendeur, celle qu’il avait adorée, la surnommant Pivoine en hommage à la beauté de la fleur et aussi à l’intérêt qu’il avait pris en lisant Pivoine, l’héroïne éponyme de Pearl Buck. Immobile, elle semblait danser tant sa grâce transcendantale perçait sous le carcan de vêtements sophistiqués, difficiles à porter et pourtant aériens, du fait de la magnificence enfantine de cette princesse Mandchoue, faite pour porter avec la même élégance, le sabre, l’amazone ou des tenues d’apparat.
Toute en retenue, elle incarnait la millénaire pudeur de ces jeunes filles, habituées dès leur plus jeune âge à une conduite parfaite. Cependant, il avait réussi, lui, le fier cavalier à faire plier comme une liane cette séraphique beauté.
« Pivoine, mon aimée ! » murmura-t-il dans un dernier effort puis il mourut, titubant dans des allées de roses piquées de perles venues de Chine.

Paroles de Fée

Vêtue de perles, de roses et de la soie de mes cheveux, je me promène dans un bel appartement arts déco. Je me présente : on me nomme la fée des lilas. J’erre dans les livres d’une auteure de contes, très branchée Belle Époque. Mais ne vous y fiez pas, elle vous emmènera, l’air de rien, dans les ruelles obscures des villes que l’on cherche à fuir parce qu’elles sont inhumaines voire barbares.
Parfois je fais des incursions dans les squares, travestie en vieille dame et je tâche de rencontrer des personnes avec qui je puisse parler. C’est difficile mais j’y parviens car j’ai toujours aimé les contacts, même les plus improbables. Parfois des êtres humains sont incapables de parler tant la souffrance les taraude. Je leur glisse furtivement une perle dans la main et j’attends qu’elle se transforme en pivoines ou en soleils. Lorsqu’un sourire flotte sur les lèvres du désespéré, je pars, de mon pas lent et libéré puis je regagne mon royaume où je retrouve mes attributs féeriques et le goût de la beauté pour le bonheur des êtres humains.

Pèlerinage en poésie

Sur les chemins de Saint Jacques de Compostelle, j’ai croisé un pèlerin qui accepta de me confier son manuscrit La Chanson des Nuages. Je l’ai repris avec amour et vous le livrerai quand il sera recopié et enluminé par les soins d’un trio sans qui mes livres ne verraient pas le jour.
C’est Pâques et j’ai opéré en quelque sorte une résurrection, celle de mon passé plein d’ombres et de lumières.
La dernière ligne a été écrite aujourd’hui. Qu’elle aille par les chemins de traverse, cette chanson ! Colportée par des conteurs en sabots ou en escarpins, qu’elle procure la joie et l’espérance !

Petit bonheur, coeur d'enfance

Il était une fois deux petites filles, deux petites sœurs, belles comme le jour. Cependant l’une d’elles avait été désignée par le soleil et portait un signe particulier, celui des anges. J’aimais son rire cristallin et son regard enfantin plein d’innocence.
Fleur lumineuse, elle s’imposait à nous par son évidente poésie. Oui, cent fois oui, nous avons droit à la différence et cet axiome doit-être proclamé par les hérauts de la dame de cœur d’Alice au pays des merveilles. Qu’une armée de cartes arborant les cœurs marche sur le monde pour réclamer le droit au bonheur de tous !

Adieu, Camarade !


J’avais vingt ans et je marchais aux côtés de Jean Ferrat, à distance respectable car je ne voulais pas l’importuner, dans la ville d’Antraigues où il avait choisi de vivre.
Il avait organisé une rencontre touristes – paysans avec l’espoir de favoriser l’attrait des citadins supposés que nous étions pour la Montagne ardéchoise, reprise à l’époque par tous les Français.
Comme dans les processions, il y avait des stations. Un paysan timide nous présentait sa ferme et exposait ses problèmes. Jean concluait toujours par ces mots : Tenez bon ! qu’il illuminait de son beau sourire.
Ensuite, j’avoue que je l’ai perdu de vue car je me suis tout simplement passionnée pour les problèmes de ce monde rural qu’on sentait déjà voué à la disparition.
Après quelques interventions toujours timides et succinctes de ces représentants de l’agriculture, un ténor monta à la tribune et emballa l’auditoire.
Je ne pus m’empêcher de glisser à ma voisine « Il parle bien », ce à quoi elle rétorqua en rougissant, « C’est mon mari » puis elle m’entraîna à l’écart pour me raconter leur vie. Ils étaient parisiens et travaillaient dans l’administration. En lisant Giono, ils s’étaient épris de la vie saine en ruralité et avaient fui la capitale avec un tout petit pécule et beaucoup de courage pour fonder leur exploitation. Aujourd’hui certes, ils étaient les propriétaires d’un bel élevage de chevaux, mais à quel prix ?
Je reste encore rêveuse de cet incroyable concours de circonstances qui me fit rencontrer les passeurs de témoin que furent les deux Jean, Giono et Ferrat. Aujourd’hui qui prendra la défense de la ruralité ?
Hier, aux funérailles du grand homme qu’il fut, il n’y avait que des amis.
Sa haute stature, son talent, sa modestie resteront inégalés. La belle chanson Ma France peut hanter nos mémoires. Quelle abnégation fut la sienne ! Chanter les mérites de ce pays alors qu’en sa période sombre on épingla sur sa poitrine l’étoile de David et que l’on envoya son père dans un wagon de la mort !
Avoir gardé malgré tout son âme et son sourire d’enfant relève du miracle ! Camarade, je ne peux que redire toute l’admiration qui s’empara de moi et durera toujours.
Des lettres dont la seule adresse était Jean Ferrat, Poète, France te parvenaient.
Il en fut ainsi pour Victor Hugo à qui une Antillaise avait adressé une lettre à Victor Hugo, Océan, lors de son exil à Guernesey.
Tu as cette dimension car certains poèmes mis en musique sont de véritables bijoux. Je ne parle pas des poèmes d’Aragon mais bien de ceux que tu as écrits, balisant tous les thèmes de notre siècle.
Ecoutons Jean Ferrat et donnons lui ce qu’il mérite : l’amour de tout un peuple !

La chanson des Nuages

Çà y est, je l’avoue, j’ai commencé la rédaction d’un nouveau livre. Voici son titre : La chanson des Nuages. Je vous livre les premières lignes.
J’attends vos encouragements ou l’inverse. Néanmoins, même si vos conseils m’incitaient à laisser reposer ma plume, je ne pourrais pas m’y résoudre. L’écriture fait partie de ma vie. Je n’y peux rien. C’est ainsi. J’attends tout de même vos messages.
Voici donc le début du roman.
Je me présente : je me nomme Jibril Ben Hadj El Alaoui. Mes copains m’ont surnommé l’Alouette. Ils ignorent que le mot Alaoui a une connotation royale et que mon père Hadj a gagné ce titre en accomplissant son pèlerinage à la Mecque. Il possédait des pur-sangs et conduisait d’inédites Fantasias pour les touristes au Maroc. Ce qui devait arriver arriva : il s’éprit d’une belle blonde aux yeux bleus et ne revint plus jamais dans son foyer où l’attendait fidèlement ma mère enceinte de ses œuvres. La pauvre a tenté de le suivre en France où dit-on, il menait une vie dorée mais s’il a connu l’honneur des salons parisiens, ma mère a échoué dans une banlieue et fut réduite à faire des ménages pour gagner sa vie et la mienne. Je suis son roi. Je ne peux pas dire son Dieu car elle est très croyante.
Elle fait ce qu’elle peut pour que je sois heureux. Je la laisse ignorer l’étendue de mon désespoir. Réfugié dans ma chambre, je lis et relis les œuvres des Romantiques, Musset, Chateaubriand et j’en apprends des passages par cœur. Sur les murs, j’ai collé les posters de mes idoles, Arthur Rimbaud, Guillaume Depardieu, Alain Baschung et pour faire bonne mesure avec les filles que je n’ose pas approcher par timidité, Emily Loizeau.
J’ai fait mienne une phrase de Rimbaud car elle adhère pleinement à ce que je ressens chaque jour : « Il y a toujours, lorsqu’on a faim et soif, quelqu’un qui vous chasse. » Ne croyez pas cependant que je me morfonde dans un narcissisme noir. Dernièrement, j’ai établi ……

Et si les ados avaient raison ?

Je suis triste aujourd’hui. J.D. Salinger n’est plus. Bien sûr il nous reste son œuvre, en particulier L’attrape-cœurs qui a bercé tous les poètes, même ceux qui ne croyaient pas l’être. Mais la disparition physique reste tout de même un drame. Le compteur des sœurs Parque marque 91 mais pour nous, Salinger aura éternellement l’âge de Holden Caulfield, l’ado qui se demande ce que deviennent les canards quand le lac de Central Park South est complètement gelé.
L’attrape-cœurs paru en 1945 sous le titre The Catcher in the Rye (celui qui attrape dans un champ de seigle) traduit en français en 1951 n’a pas pris une ride et c’est tellement rare !

Hommage aux illustratrices qui ont bien voulu s'associer à mes livres

Je remercie bien vivement Liliane Monnier qui vit actuellement à Néant-sur-Yvel dans le Morbihan. Si vous aimez les couvertures de la plupart de mes livres et les illustrations des textes de mon site, prenez contact avec elle. Elle vous fera visiter aimablement son atelier. Ma toile préférée reste Hathor en illustration de À l’ombre des cerisiers en fleurs.
Un hommage tout particulier à Gisèle Jan-Simon dont le splendide Arthur Roi ouvre la porte du mystère, l’œil ouvert sur le bouclier, à l’image des mythes qui courent dans Brocéliande, terre de légende. Elle réside également dans le Morbihan et lorsqu’elle n’est pas occupée à exposer dans le Nouveau Monde, vous pourrez la trouver dans l’Atelier du Bois de la Roche.
Arthur Roi orne la couverture de mon dernier livre, L’étoile des chevaliers, où, selon le comité de lecture des éditions Publibook, le souffle de l’épopée règne en maître.
Quant à l’illustration du dernier texte de mon site consacré, comme il se doit, à Haïti, je la dois à ma chère Annie, mon amie d’enfance. Comme il est loin le temps où nous rêvions dans les champs de blé, admirant les bleuets et les coquelicots !
Annie a beaucoup voyagé. Sa toile intitulée Jeune Pâtre Massaï en témoigne.
Toutes les deux, à nouveau, nous partageons le même amour pour l’Afrique, rêvant qu’un jour ce continent connaîtra le bonheur qui lui revient de droit.
Annie Lamy-Lambert, je te dois beaucoup, en particulier le don de l’enfance retrouvée avec ses mille et un soleils.

Voltaire, Au Secours !

En 1755, la terre trembla à Lisbonne. L'Europe horrifiée apprit que la ville entière s’était effondrée et que des cadavres jonchaient le sol par milliers. Voltaire en garda une amertume tenace :
« Un jour tout sera bien, voilà notre espérance
Tout est bien aujourd’hui, voilà l’illusion »
Ces deux vers extraits de son Poème sur le désastre de Lisbonne en disent long sur le scepticisme qui s’empara de son âme.
Il ne cessa, durant toute sa vie, de penser à cet horrible drame et y fit allusion dans nombre de ses écrits.
Aujourd’hui, certes, nous sommes informés. Les images du séisme d’Haïti tournent en boucle sur nos écrans mais sommes-nous vraiment frappés au cœur comme Voltaire ?
Que s’élève la grande voix d’un poète, d’un écrivain ou d’un homme chaleureux pour que toutes les souffrances de la première république noire de l’histoire ne tombent pas dans l’oubli !
Dans notre civilisation éprise de frivolité, demain un sujet sans profondeur mais à la mode chassera peut-être la vision dantesque d’une ville écartelée.
S’il faut remettre le sujet sur la table, ce n’est pas par goût du voyeurisme mais bien parce qu’il faut une union de toutes les forces vives des pays du monde pour que renaissent des décombres des villes stabilisées.
Porter secours dans l’urgence, sauver des vies qui peuvent l’être encore, voilà la tâche première.
Que l’esprit de Voltaire s’empare de tous les Français ! Jamais ce philosophe ne capitula devant les caprices du destin.
Voltaire, habite-nous !

Au Panthéon de mon coeur

« Y a des copains au bois de mon cœur » chantait Brassens. De même, je souhaiterais clamer face à la mer « Au Panthéon de mon cœur, il y a L’Été d’Albert Camus ». C’est un livre merveilleux où l’on rencontre l’atmosphère de la Bible, des grands livres de l’Antiquité L’Iliade et L’Odyssée et où l’on croit sentir sur sa joue la fraîcheur des embruns et sur ses lèvres l’odeur du sel.
Alors je vous en prie, ne transférez pas les cendres de cet écrivain solaire dans ce monument humide et sombre, le Panthéon où tant d’hommes politiques n’en finissent pas de mourir.
Camus, « c’est la mer allée avec le soleil », c’est le Rimbaud du XXème siècle. Son âme révoltée doit aller d’un pôle à l’autre de la Méditerranée, en toute liberté, bien loin de ces couloirs parisiens où se tapit un nouveau Minotaure, le monstre de l’Oubli.

Des Amours de Chats

Un rien les amuse, un rayon de soleil sur le parquet, un papillon qu’ils observent à travers la vitre les séparant du jardin, une croquette oubliée.
Peluche et Frimousse semblent sortis d’un livre de contes tant leur irréelle beauté attire le regard. Un petit garçon est resté inconsolable lorsqu’ils ont déménagé. Blottis près de la fenêtre, ils acceptaient les témoignages d’amour qui leur étaient adressés avec de nombreux baisers.
C’est pourquoi ils voyagent dans mes livres, tantôt sous l’apparence du chat qui accompagne La Princesse Muette dans Contes du Grand Ouest, également sous l’apparence inouïe du descendant du Chat Botté dans À l’ombre des Cerisiers en Fleurs sans oublier sa mère, la grande Zelda, détentrice de secrets de famille et de la fameuse paire de bottes. Bien sûr, Fanfan la poule courageuse entreprend un voyage en compagnie d’un chat pour sauver la maîtresse de maison dans Le voyage de Fanfan in Mais où sont les roses d’Antan ?
Un ami cher, Darius Cittanova, s’était exclamé en pénétrant dans notre demeure : « Mais où est le piano ? » car il ne concevait pas que l’on puisse vivre sans cet instrument.
De même, je pourrais dire à son instar « Où sont les chats ? » car je ne conçois pas la vie sans ces pelotes d’amour. Or, je n’ai pas à poser cette question car tous mes amis en sont dotés.
Mais que faire pour réconcilier les chats et les oiseaux ? Un poète nous donnera peut-être la réponse.

Le retour des chevaliers

Mon âme sauvage et indisciplinée s’est incarnée dans une jeune Beauté qui s’est enfuie sur les chemins à la recherche du soleil levant. Anne-Lorraine, tel est le nom de cette muse, a croisé de nombreux chevaliers, désespérés d’avoir perdu Jérusalem.
La bannière déchirée, ils cheminaient, véritables fantômes de l’azur. Jadis, ils étaient partis avec tant d’ardeur qu’ils en avaient oublié jusqu’au nom de leur reine. Aujourd’hui, pâles et ridés, ils hésitaient à heurter l’huis qui les rattachait à l’amour. Chevaliers errants, ils sentaient leurs éperons s’enfoncer dans le no mans land de la défaite et de l’oubli. Mais moi, Anne-Lorraine, la belle, je leur ai rendu honneur et richesses.
Alors ils sont partis vers le cimetière des romans où ils caracolent sous les couleurs orientales du rêve.

La légende du temps

Sur un lac gelé, au-delà des montagnes bleues où voguent les nuages, une fée patinait. Drapée dans une tunique pourpre et chaussée de patins vermeil, elle décrivait des arabesques jusqu’à ce qu’un papillon naisse sous ses pas et s’envole dans le pays des rêves. C’est une île volcanique où fleurissent les roses.
Des petites mains confectionnent des manteaux de reines et les robes bigarrées des stars qui traversent le temps pour alléger la peine de ceux qui travaillent dans les usines, dans les champs, dans les ateliers et les bureaux des concepteurs tournés vers le monde de demain.
Oui, demain est porteur d’espoir, à condition que les chefs de file du monde veuillent écouter les voix de la raison.

La princesse exilée

Bien loin, dans une île, une princesse méditait en écoutant le chant des coquillages. Elle était seule et se demandait pourquoi elle avait rompu avec son passé. Expulsant la symphonie monumentale de l’océan, des airs de java et de valse musette en provenance de la rue de son enfance recréaient un monde qu’elle croyait à jamais disparu où flottaient les parfums de pains d’épices et de chocolat Menier aux barres vigoureuses, dures pour les dents de lait. À l’époque, elle n’était pas seule, son amie Annie lui tenait lieu de sœur et d’unique confidente. À elles deux, si fragiles et tenaces, elles croyaient pouvoir dominer le monde. Elles sont allées un peu plus loin que le bout de la rue et de leur école pour accomplir leur destin. « Monte sur mon dos » lui dit le dauphin et comme Arion, tu seras sauvée de ta solitude. La princesse pleura et ses larmes se transformèrent en perles que je t’offre, chère Annie, en collier de fête.

Ode au Prince du Monde

Ô mon cœur, il faut que tu battes plus vite pour qu’il revienne, notre Prince des Lumières, notre Roi.
Ses longs cheveux cascadent sur ses épaules fermes. Sa peau satinée inspire la tendresse. Ne me demandez pas quelle est sa couleur. C’est une question que je refuse de poser, tant elle a coûté de sang et de larmes. Si vous insistez, je vous dirai bleue, bleue comme la mer et le ciel qui moutonnent à l’infini. Mais oui, cela existe, vous n’avez pas pu la décrypter, c’est tout.
Ce prince a la taille fine, il est chaussé de sandales et il arpente la terre, à la recherche d’hommes au cœur pur. Il y a si longtemps qu’il est en marche qu’il finira bien par arriver, le jour où la lune brillera avec tant d’éclat que les pierres précieuses tomberont comme la manne des Dieux anciens, réfugiés dans des ailleurs planétaires, désespérés par la cupidité et l’intelligence des hommes qu’ils ont voulu en vain élever jusqu’à eux.

Les trois fées

Il était une fois, trois fées. La première, Fée des Neiges était vêtue de blanc, la seconde, Fée de l’Orient arborait les couleurs du soleil à son lever, rose ourlé d’or, la troisième, Fée des Origines apparaissait drapée dans le boubou multicolore de l’Afrique.
Passa un magicien : « Qui, de vous, est la plus belle ? » lança-t-il, désireux de semer la discorde.
Mais les trois fées ne s’en laissèrent pas conter. « Je ne sais pas qui, de nous, est la belle, répondit en souriant la Fée des Neiges mais je connais, assurément le plus beau de la terre ».
Intrigué, le magicien voulut connaître le nom du Prince.
« Je vous donne un indice dit la Fée de l’Orient, il chante comme le rossignol et sa peau a l’éclat de la rose.
Une autre clef, ajouta la Fée des Origines, il a la beauté du cerf et le talent de Léonard de Vinci.
Je crains qu’il ne soit pas de ce monde soupira le magicien.
À toi de jouer et de chercher ce Perceval du XXIème Siècle ! » conclurent les trois fées et elles partirent, heureuses d’avoir prouvé, une fois de plus, que les hommes étaient peu inventifs, fussent-ils magiciens.
Il lui suffisait de se mirer dans l’onde des origines pour voir apparaître le visage du Prince qu’elles chérissaient en secret, attendant que vienne celui qui pourrait le révéler au monde.
Seul le vent emporta leurs paroles.

Au royaume d'Andersen

« Que vais-je devoir sacrifier cette fois ? » pense la petite sirène, à Copenhague. « Jadis, pour un prince qui ne méritait pas un tel amour, j’ai sacrifié ma voix. Aujourd’hui, que vais-je pouvoir faire pour les hommes épris de pouvoirs et de richesses, pillant la planète pour réaliser leurs caprices ?
Couper ma blonde chevelure, couronne d’épis de blé et de bleuets entrelacés pour offrir de la nourriture à tous les humains ? Plonger et rejoindre mes sœurs pour aider les dauphins ?
Qui dois-je sauver ? ».
De guerre lasse, la petite sirène a quitté son rocher, entreprenant un long voyage à la recherche de sages qui puissent préserver notre planète.